Zeega, la démocratisation du storytelling interactif

[ Retrouvez aussi une émission audio sur ce thème : l’épisode #37 de La Voix Dans La Tête #LVDLT – « Mashup Zeega, Kafka, Kundera, Ninja » ]

Et s’il était possible de raconter des histoires autrement, de manière collaborative et immersive? Et si les différents ingrédients de ces histoires étaient déjà là, à portée de main, en photos, vidéos, gifs, sons, éparpillés dans le nuage internet? Et s’il existait un outil simple, ouvert et gratuit pour rechercher, collecter, mélanger, assaisonner ces différents ingrédients pour créer de nouvelles histoires interactives, des webdocs, des reportages multimédia?

En fait cet outil existe, il s’appelle Zeega et mijote dans le chaudron magique du Metalab de l’université de Harvard. Si je vous précisais que Zeega a été créé en 2010 sur plateforme open source en HTML5 par une équipe pluridisciplinaire de choc : le journaliste Kara Oehler, l’artiste media Jesse Shapins, et le « creative technologist » James Burns et qu’après 18 mois de mitonnage à feu doux une version beta est désormais disponible. Qu’est-ce qui vous retiendrait alors de vous lancer à corps perdu dans l’aventure du storytelling interactif?

Lolcat egyptien momifié, en Zeega

Cliquez pour découvrir ce Zeega à base de momie égyptienne de chat (photo British museum), d’un gif animé de nuages (Giphy) et d’une bande son Soufi (Soundcloud).

La peur? Peur de l’inconnu, peur de se perdre dans une quête de sens dans le magma du milliard de milliard d’images et de sons déjà créés par l’homme (Tous les deux jours, nous produisons plus d’informations que nous l’avons fait depuis l’aube de l’humanité jusqu’en 2003) ? Mais c’est justement pour avoir moins peur et partager nos expériences que nous créons et racontons des histoires, et pour laisser une trace de notre passage sur terre… une petite capsule d’éternité dans le grand vite intersidéral. Et puis il y a les lolcats… mais ça c’est une autre histoire qui se raconte depuis l’éternité, du coeur des pyramides égyptiennes jusqu’au coeur des datacenters de la Silicon valley. Les lolcats seront peut être la seule trace d’humanité qui parviendra aux générations futures…

Mais revenons-en à Zeega. Que vous soyez amateur de lolcats ou de fusées spatiales vous pourrez avec Zeega utiliser vos propres images, sons et gifs, si vous les uploadez dans la plateforme, ou piocher dans les contenus déjà existants sur le web (sur Flickr, Tumblr, Soundcloud et Giphy) et dans Zeega lui même. Et oui, Zeega vous permet en fait de faire de la curation, c’est à dire chercher ce que d’autres utilisateurs ont déjà créé ou uploadé dans leur « chutier » et vous en servir pour vos propres créations que vous partagerez à votre tour avec la communauté des internautes. Copier, coller, mélanger des contenus déjà existants, c’est le principe du Mashup, qui influence une grande partie de la création actuelle, de nombreux artistes ayant décidé désormais de baser leurs créations sur le téléscopage de créations déjà existantes qu’ils vont juxtaposer ou mélanger.

Une des illustrations majeures de cette tendance au mashup se retrouve dans la création cinématographique, l’origine même du nom Zeega venant de celui d’un cinéaste expérimental de l’avant-garde soviétique des années 20, Dziga Vertov. Certains réalisateurs préfèrent ainsi utiliser le contenu video existant comme Dominic Gagnon par exemple qui utilise les contenus Youtube pour ses créations et déclare « Désormais même tenir une caméra me paraît dépassé ».

Cette citation est extraite du très bon billet de Blog consacré à Zeega écrit par le réalisateur Simon Duflo, sur le Blog Documentaire.

C’est lors du workshop Zeega animé par Simon Duflo sur le Mashup Film Festival (la 3ème édition était organisée au Forum des Images les 15 et 16 juin 2013) que j’ai pu découvrir cet outil, et kidnapper Simon pour une interview que vous retrouverez dans le prochain épisode de la web émission audio « La Voix Dans La Tête« .

Mais Zeega n’est pas réservé qu’aux réalisateurs et aux webdocumentaristes. Sa simplicité d’utilisation peut aussi en faire un outil pour les journalistes. Zeega permet en effet de tester de nouveaux formats multimédia et immersifs sans avoir besoin de maîtriser du code ou de disposer au sein de la rédaction d’un département multimédia. L’excellent site de IJNET (International Journalists’ Network) présente ainsi l’intérêt de Zeega pour les media et cite notamment l’exemple du journal argentin La Voz qui a pu facilement créer un dossier multimédia en Zeega. Ce Zeega associe dans un même écran (ou « frame ») plusieurs photos des reptiles de la province de Cordoba, chaque photo pointant vers un fiche descriptive de l’animal, le tout agrémenté d’un commentaire audio.

Sensate Journal

Cliquez pour découvrir Sensate Journal (attention, risque d’ouverture des chakras:D)

Pour le moment il est difficile de trouver d’autres exemples d’utilisations de Zeega par des media. A noter tout de même le Sensate Journal « A Journal for Experiments in Critical Media Practice » auquel collaborent des membres de Zeega mais aussi des réalisateurs de webdocs, chercheurs, historiens etc. Un beau laboratoire « vitrine », créé par un étudiant en anthropologie de l’université de Harvard, université dont le metalab héberge Zeega. Cet exemple pourrait donner des idées à d’autres media. Enfin, des formations Zeega sont dispensées au sein d’écoles de journalisme américaines (au Poynter Institute, en partenariat avec l’American Press Institute, financé John S. et la James L. Knight Foundation qui soutient Zeega). Le European Journalism Center vient également de publier le 10 juin dernier un article pour partager ses bons conseils d’utilisation de Zeega. On peut donc s’attendre à voir arriver quelques expérimentations maintenant que la version Beta de Zeega est devenue disponible (depuis juin 2013).

Les journalistes tentés par l’aventure pourront méditer sur cette question, posée par un participant d’une conférence sur la disruption dans le journalisme, organisée par la Nieman Foundation for Journalism : “Starbucks has convinced us that we should pay for overpriced coffee, so why can’t we do something similar with journalism? / Starbucks a réussi à nous convaincre que nous devions payer plus cher notre café, alors pourquoi ne pas faire la même chose pour le journalisme?”

Allez, on fait chauffer les moteurs de la fusée, bon voyage! (Vous pouvez cliquer ci dessous sur un de mes premiers Zeega. Montez le son pour profiter du morceau « Rocket Science (Vocal Mix) by Salvatore Ganacci » – déniché sur Soundcloud grâce à Zeega :D)

Un de mes premiers Zeega, associant une photo venue de mon blog, un gif animé trouvé sur Giphy et une musique sur Soundcloud

Cliquez pour découvrir un de mes premiers Zeega, associant une photo venue de mon blog, un gif animé trouvé sur Giphy et une musique dénichée sur Soundcloud.

 

A propos Séverine Godet

Productrice de contenus sur les thématiques IT et innovation. Basée à Montréal, Québec.
Cet article, publié dans Créations digitales, france, Réseaux sociaux, social media, est tagué , , , , , , , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

3 commentaires pour Zeega, la démocratisation du storytelling interactif

  1. Ping : Zeega, la démocratisation du storytellin...

  2. Ping : Zeega, la démocratisation du storytelling interactif | philippetrebaulblog

  3. Ping : La Voix dans la Tête - LVDLT #37 - Mashup Zeega, Kafka, Kundera, Ninja

Laisser un commentaire